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Mise en place du CPATC : leçon inaugurale du Pr Charles Binam Bikoi

Dahè au Bénin du  28 au 30 Septembre 2014 

Le Professeur Charles BINAM BIKOÏ a délivré la leçon inaugurale de la mise en place du Conseil Panafricain des Autorités Traditionnelles et Coutumières.

Mise en place du Conseil Panafricain des Autorités Traditionnelles et Coutumières : Dahè au Bénin du  28 au 30 Septembre 2014

Communication  du  Professeur  Charles  BINAM  BIKOÏ,  Secrétaire Exécutif du CERDOTOLA.

Majestés, Excellences, Mesdames et Messieurs,

La rapidité  et  l’ampleur des changements en cours dans le monde nous interpellent et lancent à l’Afrique des défis toujours plus gigantesques.

Un vertigineux mouvement de décomposition et de recomposition générales des systèmes soumet le monde et ceux qui prétendent le contrôler à l’empire de l’incertitude et à l’expansion de la précarité, au point de secouer les fondements mêmes des civilisations.

Les peuples les plus fiers hésitent. Les nations les plus fortes doutent d’elles-mêmes,  saisies par la peur du lendemain, celle de leur propre devenir et de celui, sans doute différent, de ceux qu’ils soumirent jadis pour s’affirmer. Leurs modèles de pensée et de société, ainsi que leurs modes de vie, entrent en déclin et paraissent désormais devoir crouler sous le poids même de leur propre triomphe. Les nouveaux forts, quant à eux, ont tant de mal à proposer de nouveaux modèles qu’ils  semblent ne même pas oser y penser.

Dans cette conjoncture, les efforts attendus de l’Afrique nous propulsent dans le même vertige déstabilisateur, surtout dans la mesure où on les voudrait nécessairement d’adaptation. L’Afrique est invitée à s’insérer dans l’économie globale, à s’arrimer aux systèmes dominants, à adopter plutôt qu’à proposer un nouvel art de vivre. Mais est-ce bien là l’orientation qui doit être la sienne ?

La question est névralgique, surtout aujourd’hui. L’on voit bien que, si affaiblie qu’elle ait pu être par son sacrifice permanent pour les projets des autres, l’Afrique se relève et se révèle de plus en plus comme le fort de demain, ou du moins, un des forts de demain. D’où la nécessité d’éviter à tout prix les pièges liés aux dynamiques de désorientation en œuvre depuis bien longtemps. Mais alors, où trouvera-t-elle les points de repère et d’ancrage pour, tel le baobab de nos savanes ou le moabi de nos forêts, enfoncer solidement ses racines et faire sortir de la terre des piliers majestueux capables de soutenir les édifices pharaoniques d’un renouveau civilisationnel qui apparait de plus en plus à notre portée ?

Heureusement, vous êtes là, vous qui entretenez ces racines ! Vous qui êtes les gardiens et les garants nos coutumes et traditions, vous montrez par cette assise que le patrimoine légué par nos ancêtres, a été préservé et constitue plus que jamais un capital disponible pour bâtir l’avenir. Par votre mobilisation croissante, vous assumez mieux que par le passé, le rôle de courroie de transmission pour que les ancêtres maintiennent leurs dires en amont, et que les générations présentes et à venir héritent en aval et se déploient pour fonder le nouvel être de l’Homme d’Afrique. Il s’agit en somme, de déceler, de soutenir et d’accélérer les tendances favorables à une montée nouvelle vers les possibles.

Bien-sûr, comme vous le savez, de tels défis ne peuvent être relevés sans conditions substantielles. A cet égard, permettez-moi de partager avec vous trois perspectives sur le statut, la valeur et le rôle que la Tradition et ses gardiens peuvent et doivent désormais jouer, et le plus résolument possible, face aux grands enjeux de la construction de l’Afrique et d’une affirmation enfin vraie de la grandeur de l’Afrique dans le monde.

 

Le Statut

Concernant le statut, il s’agit aujourd’hui de repenser, de reconsidérer et de redéfinir le rôle de la tradition et de ses gardiens. Il serait illusoire d’ignorer le fait que ceci exige de tourner le dos à une gigantesque accumulation d’images négatives dont on ne peut se débarrasser qu’au bout d’un long travail de désaliénation, travail qui ne prendra sa place fondatrice dans la culture et l’éducation populaire, ainsi que l’instruction publique, qu’à l’avenir. Et nous devons faire en sorte que des assises de ce type contribuent à rendre cet avenir encore plus proche.

La redéfinition nécessaire est un mouvement, une pensée et une action qui conduisent nécessairement hors de cette préhistoire mythique dans laquelle l’Afrique a si souvent été enfermée. C’est un mouvement de désarchaïsation. Vous n’êtes pas des icônes folkloriques condamnées à informer des ethnologues en quête de sensationnalisme passéiste, et que les politiques nationales et internationales ne convoqueraient que pour amuser la galerie.

Vous êtes le bras séculier de la sauvegarde, de la préservation, de la protection et de la pérennisation des fruits les plus hauts de l’expérience et de la pensée des lignées générationnelles de nos peuples. Vous assurez la transmission de ce qu’il y a de meilleur en nous. Vous êtes et devez être, plus que jamais, les gardiens des fondations profondes de notre être propre face aux grands enjeux qui posent justement des défis de profondeur.

Contrairement au philistinisme ambiant qui veut imposer qu’on juge tout en termes d’utilité immédiate et de valeur marchande, les défis auxquels l’Afrique et le monde sont de plus en plus  confrontés  prouvent  s’il  en  était  encore  besoin,  que  tout  part  de  la  profondeur spirituelle dont vous avez la charge de la pérennisation. Toutes les réalisations humaines, y compris  matérielles,  les  seules  que  l’Afrique  semble  encore  devoir  envier  aux  autres, convergent aussi vers le supplément de plénitude qui en découle. Tel est le sens des vraies valeurs, des nouvelles valeurs dont recèle la Tradition, et qui constituent la deuxième perspective à partager.

 

La valeur

La dimension pittoresque de vos attributs, de vos costumes et des rites  coutumiers ne réduit ni ne nie la qualité d’homme. Au contraire, le regard attentif révèle que, sous tous les cieux et à toutes les époques, ce déploiement participe du surgissement et de l’affirmation de cette qualité d’homme. Hommes parmi les hommes, les Africains attachés à leurs Traditions et attelés à leur valorisation futuriste ne sont ni meilleurs ni pire que les autres, si ce n’est l’avantage historique qu’ils tirent de leur expérience face à l’altérité. Cet avantage qui nous a été rappelé par Frantz Fanon, un des descendants de nos ancêtres déportés les plus combatifs et les plus attachés à ses origines, cet avantage disais-je, c’est le devoir d’apporter la rédemption et de restaurer l’humanité à ceux qui se sont déshumanisés en se faisant oppresseurs, hier ou aujourd’hui.

Enfermer la Tradition et ses gardiens dans le costume, le rituel et les attributs ostentatoires hérités du passé obéit à la même logique et satisfait les  mêmes visées que l’encouragement à les abandonner. Le renoncement et la fossilisation ne nous conduiraient pas et ne nous ont jamais  conduits,  malgré  les  proclamations  de  la  «  Mission  civilisatrice  »,  vers  plus d’humanité, de justice, de prospérité, de savoir ou de progrès.

Toutes ces valeurs tant recherchées hors de nous-mêmes, ainsi que l’aspiration à les concrétiser, constituent les fibres même de notre moi tissées dès l’enfance par le travail des produits les plus hauts comme les plus élémentaires de nos traditions, y compris les chants, les contes, les mythes, les légendes, les proverbes, les fables, les énigmes, et même les farces et facéties de notre folklore.  Elles constituent une dimension si obsessionnelle de nos cultures qu’elles rappellent, s’il en était encore besoin, que rien d’humain ne nous est étranger.

Dans cette perspective, le cœur de ce que valent nos traditions pour la consolidation de notre être-au-monde réside là. La vraie force tranquille qui permettra de tenir debout avec les autres mais par soi-même, c’est de nous redonner confiance au niveau de notre conscience collective et intérioriser irréversiblement la conviction qu’il n’existe pas de peuples exclus de la sphère de civilisation, qu’il n’y a pas de sous-développés en matière de culture, et qu’il n’y a donc pas de peuple inférieur dans le dialogue des cultures.

Des trésors de notre patrimoine comme la Charte de Kurukan fuga, considérée comme la toute   première   déclaration   des   Droits   de   l’homme,   nous   rappellent   que   l’Afrique traditionnelle est à l’avant-garde du respect de la dignité humaine. Il incombe aux gardiens de cet héritage et à ses hérauts de contribuer à casser les idéologies de la régression qui rendent nos traditions responsables de la mauvaise gouvernance, des injustices et des violations des droits de l’Homme.

En tant que responsable d’une institution interafricaine de référence en matière de recherche, je puis vous assurer que les travaux les plus avancés de notre temps prouvent tous que nous avons toujours eu raison de prendre le parti de nos traditions. L’affirmation centrale qui les traverse est que, pour que la démocratie, les Droits de l’Homme, l’économie de marché et autres vecteurs de la modernité (re)prennent racine, il faut absolument qu’ils soient connectés aux notions locales de tradition, de culture et de mémoire historique. Telle est la base du développement culturellement durable qui ouvre la voie au rôle renouvelé de la tradition.

 

Le rôle renouvelé

Le rôle de la tradition ne doit pas être de s’enfermer, mais de s’ouvrir. Cependant, pour réussir à moderniser et à construire la prospérité, il s’agit de penser et agir à partir de la Tradition, et non l’inverse. Il n’y a pas d’universalité sans particularités et spécificités. Il n’y a pas d’ouverture sans identité. Il n’y a pas de modernité sans tradition.

Dès lors que l’on décide de dépasser l’archéologisation et la vision passéiste de la tradition, il faut en identifier les valeurs en partage et élaborer les modes d’action les plus susceptibles de servir les objectifs de développement les plus adéquats. Le fait que l’on saisisse ces objectifs aujourd’hui dans le cadre des politiques d’émergence est en soi un signe des temps très fort, car les pays émergents comme les pays émergés n’ont justement émergé qu’en prenant leur héritage propre comme référence prioritaire.

Comme en  conviennent toutes  les  voix  dans  l’opinion  publique  mondiale,  ainsi  que  les milieux du savoir et de l’avoir, le temps de l’Afrique est arrivé. Dans ce mouvement, cette transformation historique sans précédent, la place de la Tradition et le rôle de ses gardiens consistent à orienter la dynamique d’émergence pour qu’elle soit au service non des multinationales, mais des peuples africains eux-mêmes.

Il s’agit pour ce faire, de repartir des valeurs en partages pour proposer des nouveaux modèles de pensée et de société. La grande révolution en la matière est bien connue, enseignée par tous les grands maîtres de la promotion et de la protection de l’héritage africain à l’’epoque moderne, et dont Amadou Hampâté Ba, Cheikh Anta Diop, Joseph Ki Zerbo sont quelques uns des plus connus.

Au-delà des arguties, la réalité irréfutable c’est que, dès que l’on examine attentivement et

en profondeur les cultures africaines, on retrouve une Tradition fondamentale dont le caractère commun est irréductible, surtout quant aux grandes questions de l’être et du non- être, du vouloir-vivre et de la survie, de la volonté de valoir, de savoir et de faire, de l’avoir et de la sérénité devant les revers, du partage et de l’être-à-soi, de l’Unité et de l’hospitalité, du devenir collectif des êtres, des choses et de l’univers.

Voilà la base de l’intégration et de la reconstruction de notre prospérité dans la dynamique de la Renaissance. Elle prouve, une fois de plus, que la tradition de l’unité culturelle est en avance sur les projets et institutions modernes et contemporains du panafricanisme intégral.

Dans le cadre de ces grands enjeux, le rôle renouvelé de la Tradition et de ses gardiens est tout à fait clair : il consiste à illuminer la Renaissance et l’intégration de l’Afrique. Or cette intégration conduit à l’unité véritable. Et l’unité, ainsi le reconnaissent unanimement les Africains, ainsi que les amis et ennemis de l’Afrique, et même ceux qui lui nient toute histoire, est ce qui rendra l’Afrique aux Africains.

L’Afrique unie sur la base de son meilleur héritage sera une force de progrès pour l’humanité toute entière. Ce serait une force de modification avantageuse des équilibres mondiaux, qu’ils soient macropolitiques, macroéconomiques, macro-culturels. C’est la légitimité démocratique qui deviendrait ainsi possible dans tous ces domaines et à tous les niveaux, permettant à l’humanité de réaliser un vieux rêve de gouvernance globale.

C’est le système du monde même qui en sera renouvelé. Car, pour la première fois, légalité, la démocratie et la justice s’étendraient à un ensemble de domaines qui leur sont jusqu’ici restés inaccessibles dans le cadre des idées dominantes actuelles, notamment le domaine des relations internationales et de l’économie mondiale.

Afin  d’avancer  vers  la  réalisation  de  ces grands objectifs, je  voudrais terminer en  vous lançant un appel solennel à faire un grand premier pas. Je vous invite à donner mandat au CERDOTOLA et à le soutenir pour proposer aux Nations Unies des bases d’un nouvel agenda de développement culturellement soutenable, inspiré de nos traditions et des besoins de vos communautés, qui contribuera à la réflexion sur les objectifs du Millénaire pour le développement au-delà de 2015.

Je vous remercie.

©Rapport du séminaire de Dahè au Bénin.

A propos de l’Auteur : https://fr.cerdotola.org/category/secretariat-executif

 

 

theotatsitsa

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